Pour les 70 ans de l’explosion de la première bombe nucléaire soviétique
Le 29 août 1949, un peu plus de quatre ans après Hiroshima, la première bombe atomique soviétique explosait dans la steppe kazakhe – ouvrant pour les décennies à venir les feux de la guerre froide. La réussite à court terme du programme nucléaire soviétique fut le résultat de l’espionnage atomique tout comme le fruit d’un accès aisé à l’uranium – minerai dont une partie fut exploitée en Europe centrale par l’URSS, en Allemagne de l’Est et en Tchécoslovaquie principalement, occupées dès la fin de la guerre par Moscou. En Tchécoslovaquie, c’est la région méconnue de Jachymov (Joachimsthal en allemand), avec sa petite localité baignée par les monts Métallifères, qui donna de l’uranium en quantité à l’URSS jusqu’au début des années 1960, assurant ainsi stratégiquement son programme nucléaire. Des mines d’uranium y furent en effet exploitées activement durant cette période, exploitation rendue possible, entre autres, par un travail forcé de dizaines de milliers de prisonniers politiques du régime communiste et par l’existence de 12 camps ; un mémorial à leur endroit existe d’ailleurs, aujourd’hui, dans la paisible station thermale de Jachymov[1].
L’histoire de la petite cité thermale de Jachymov est digne d’intérêt pour l’enseignement de l’histoire, de la géographie et de la physique au niveau secondaire. Indirectement, la découverte et l’exploitation d’uranium dans ces forêts lointaines et introverties d’Europe centrale vont changer le cours de l’humanité… Concernant l’enseignement de l’histoire, les enjeux stratégiques, politiques et économiques liés à l’exploitation d’uranium dans la région de Jachymov sont intéressants à étudier, et ce dans le contexte naissant de la guerre froide et ses logiques bipolaires. Et qu’en est-il de la présence des nombreux camps de travail au cœur de l’Europe? Mais l’histoire ne s’arrête pas là : durant les temps modernes, l’extraction d’autres minerais pris de l’ampleur, dont l’argent, attirant dans la région toute une économie (celles du tabac, de la dentellerie et du cristal de Bohème par exemple), sans oublier la Réforme qui a soufflé dans ces montagnes, non sans conséquences. A ce titre, une mise en perspective mémorielle et historiographique pourrait être judicieuse: quels événements sont aujourd’hui fêtés, commémorés, passés sous silences, par qui, où, comment, et pourquoi dans la région ? Comment l’histoire de Jachymov s’écrit-elle ? Quid du 70ème anniversaire de l’explosion de la première bombe nucléaire soviétique?
Jachymov: une petite localité, mais définitivement une grande histoire.
Frédéric Steputat, membre du Comité directeur du Forum Ost-West, ce 15 août 2019.
[1] Otfrid Pustejovsky, Stalins Bombe und die Hölle von Joachimsthal, Berlin, Lit Verlag, 2009, Seiten 165-213.